AU DEBUT DU SIECLE DERNIER EN COTENTIN
LA VIE D'UN FILS D'OUVRIER AGRICOLE
UNE LONGUE ATTENTE
Trente neuvième chapitre
La nuit était très fraîche, j'avais du prendre un bon coup de froid, car je toussais beaucoup, ce qui en ce lieu n'était pas très agréable à vivre.
Au cours de la nuit, certains avaient entendu sur la route goudronnée, qui se situait assez loin de notre abri, le bruit de sabots de chevaux et de roues ferrées, probablement le bruit de charrettes d'un convoi allemand repartant vers l'arrière du front.
Le bruit des canons semblait se rapprocher de nous. Pourtant ma mère a décidé de partir à la maison du village pour faire des galettes et baratter du beurre. Accompagnée de trois personnes et du paternel, qui jusque là n'avait pas quitté notre refuge. La sortie fut périlleuse, car quelques instants plus tard un avion a lâché une bombe sur le carrefour en bas de la côte, à moins de cinq mètres de notre habitation.
Le front se rapprochait inexorablement de nous, nous entendions le bruit des mitrailleuses en direction de Castilly, sur la route d'Isigny à environ cinq kilomètres de nous. Ma mère et ses accompagnants rentrèrent assez surexcités, d'après eux, les soldats alliés seraient dans le haut chêne à environ un kilomètre de la gare de Lison. Pendant que les femmes s'activaient à la fabrication des crêpes et du beurre, les hommes surveillaient la route. Ils ont entendu le tir de mitrailleuses et des balles siffler, personne n'a demander son reste, et c'est en récupérant galettes et beurre que tout le monde a rejoint l'abri accompagnés du sifflement des balles.
Le groupe de vingt quatre personnes s'est abrité dans le fossé, bien camouflés par la verdure. Au bout du fossé, notre ami Marcel a fabriqué un drapeau blanc avec une chemise accrochée sur un bâton de bois.
Nous avons entendu un bruit bizarre. D'après les anciens qui ont fait la guerre, il s'agissait d'un obus qui passait au dessus de nos têtes, mais si on les entendait, ils tombaient plus loin. Plusieurs passeront ainsi au dessus de nous.
Le bruit des rafales de mitrailleuses allait s'amplifiant en se rapprochant de nous, les balles sifflaient autour de nous. Les tirs des petites armes automatiques devenaient parfaitement audibles. Les alliés avaient progressé dans la côte de la Fotelaie, et nous devinions qu'ils avançaient lentement vers la "pomme d'or". Les coups de canons étaient proches, c'étaient des chars d'assaut qui tiraient.
Dans le fossé qui nous abritait, personne ne bougeait, bien blotis au fond de notre trou.
Peu à peu le bruit des armes s'espaçait et vers dix neuf heures le silence était presque total. Nous avions subi sans dégâts le plus gros de la bataille. Nous avons pu sortir de notre abri.
Trois éclaireurs sont partis vers le village pour voir ce qui c'était passé, ma mère est partie traire ses vaches suivant son habitude.
Peu après, nos trois compères sont revenus, nous informant de ce qu'ils avaient vu.
Les soldats étaient bien là, mais ils n'étaient pas Anglais, mais Américains. Ils les ont laissé approcher en les tenant en joug et leur ont fait comprendre qu'il fallait rester dans les maisons. Le village était intact, seule une maison en haut de la côte a pris un obus. Sur la route de Cartigny une ferme brûlait, d'où la fumée qu'on voyait de notre abri.
Sur leur retour, dans le chemin de la corde ils ont rencontré un soldat allemand qui se trouvait tout près des américains, ils ont essayé de le convaincre de se rendre, mais comme il était agressif et bien armé, ils ont décidé de la laisser tranquille sachant qu'il n'irait pas loin.
Ce soir la, il a été décidé de passer une nouvelle nuit en plein air. Il se faisait tard, l'obscurité risquant de venir avant notre arrivée à la Fotelaie.
Après le repas chacun a rejoint sa couche, en pensant que ce serait la dernière fois.
A suivre.....