AU SIECLE DERNIER EN COTENTIN
LA VIE D'UN FILS D'OUVRIER AGRICOLE
DEBUT DES ANNEES 1944
33ème chapitre
En ce début d'année, la vie était de plus en plus difficile, les arrestations par les allemands plus nombreuses, la ravitaillement manquait terriblement au profit du marché noir, qui lui se portait à merveille.
La gare de Lison subissait des mitraillages régulièrement. Une nuit, un avion est venu lâcher quelques bombes sur le secteur, la gare et le dépôt n'ont subi que peu de dégâts, le point de chute n'étant pas atteint selon leurs objectifs. Dès que mes parents entendaient un avion venant dans notre direction, nous quittions la maison de quelques centaines de mètres pour nous mettre à l'abri dans un large fossé, d'autres personnes du village nous rejoignaient. De cet endroit, après un long sifflement nous assistions à l'explosion des bombes sur la gare. Son travail accompli, l'avion disparaissait dans la nuit alors que chacun regagnait son habitation attendant la prochaine alerte.
Après une fin de nuit réparatrice, il me fallait quitter le lit pour me rendre au travail où là, avec tous ceux de la gare, nous étions à la merci des chasseurs venant détruire les locomotives.
Au bar du buffet, nous prenions connaissance des dégâts occasionnés par les bombes dans la nuit.
Depuis le 27 janvier, la milice avait étendu ses activités en zone nord, c'est à dire chez nous. Cette dernière était une organisation politique et paramilitaire française créee le 30 janvier 1943 par le gouvernement de Vichy pour lutter contre la résistance. Aidant la gestapo, ces miliciens traquaient les juifs, mais aussi les réfractaires au STO, cette police politique était la force de maintien de l'ordre du régime pétainiste. Ses effectifs étaient d'une trentaine de mille membres, Pierre Laval en était le chef principal aidé en cela par Joseph Darnant qui en deviendra le véritable chef opérationnel.
Ces premiers mois de l'année semblaient longs et beaucoup de français pensaient à la libération, se demandant si elle aura lieu un jour. Nombreux sont ceux qui voyaient ce moment venir par le nord de la France. Pendant ce temps, les allemands continuaient la construction du mur de l'atlantique. De plus en plus de personnes étaient requises pour ce travail.
Nous savions que les alliés travaillaient pour nous et qu'en Afrique du nord ils achevaient la conquête de la Lybie et libéraient la Tunisie, que la libération de la Corse amorcée depuis l'automne se poursuivait.
La répression allemande se faisait de plus en plus violente, tout incident ou anomalie étaient de plus en plus considérés comme sabotage. De nombreuses personnes étaient fusillées, à Saint-Lô un grand nombre d'internés dans la prison étaient abattus dans un ancien champ de tir. Sept "Terroristes" furent fusillés pour sabotage des voies ferrées, chacun se demandait comment cela allait se terminer.
Comme l'a écrit Marcel Leveel, cheminot aujourd'hui décédé, dans son livre "Rails et Haies" (1) "Au mois d'avril le ciel est toujours bleu et ensoleillé, le vent vient de l'est et les avions comme des moustiques". Il est vrai que nous étions mitraillés chaque jour, et la flak installée sur les hauteurs, involontairement en faisait autant.
(1) RAILS ET HAIES éditions eurocibles BP 3 50570 Marigny.
A suivre.......