AU DEBUT DU SIECLE DERNIER EN COTENTIN

LA VIE D'UN FILS D'OUVRIER AGRICOLE

UNE ADAPTATION FACILE

Vingtième chapitre

Bien installés, nous nous sommes bien habitués à ce nouveau lieu, dans cette nouvelle ferme la vie a repris. 

Le troupeau des parents va maintenant atteindre les dix vaches, les jeunes élevées précédemment étant arrivées à l'âge de la reproduction.

L'âne est toujours là et continuera son travail, tirant la charrette pour les divers travaux.

Un cochon est arrivé dans la petite porcherie pour un engraissement qui le conduira sur la table familiale.

La basse cour est à nouveau garnie, fournissant oeufs et volailles très appréciées en rôtis ou en poules au pot.

Une nouveauté, l'arrivée des oies peu appréciées de ma jeune frangine, celles-ci courant derrière elle pour lui pincer les mollets. Pour leur sacrifice, c'est souvent moi, qui avec ma mère sommes chargés de les tuer; tenant l'animal par le corps, tandis que ma mère lui tiens le bec le cou allongé sur le billot de bois, qu'un coup de hache viendra trancher, se débattant fortement, il m'arrive de lâcher l'oie qui arrive à faire quelques mètres sans tête. Ensuite vient le plumage. Le duvet récupéré servira à remplir les oreillers.

Très bien admis à l'école, j'ai de nombreux camarades avec lesquels règne une très bonne entente. 

Pour quelques uns je suis même leur confident. Certains ayant une "petite amie" me demandent de leur écrire leurs "lettres d'amour", qu'ils font parvenir à l'intéressée dont l'école se trouve à côté de l'église, sur le versant opposé de notre école, où se trouve également un château habité par des nobles.

Ce sont le plus souvent nos camarades filles habitant près de chez nous qui font office de facteur. Les écoles étant éloignées l'une de l'autre, le contact entre garçons et filles est assez difficile, d'où cet échange de "billets doux".

Lorsque la correspondance s'arrête, je suis à peu près certain que les amours sont "cassés". Souvent une nouvelle correspondance reprend, le camarade ayant trouvé une nouvelle élue.

Malgré la communion faite et notre changement de domicile, il me fallait toujours accomplir mon devoir religieux en assistant aux principaux offices, la messe et les vêpres. Aucune dérogation obtenue de ma mère.

Cette obligation était pour moi comme pour d'autre une corvée.

C'est ainsi qu'un jeune camarade, fils de cheminot, qui préparait sa communion s'est esquivé de l'église au cours des vêpres, le curé l'ayant vu partir, une course poursuite s'est déroulée pour le rattraper. Ayant fui au travers du pré bordant la rivière, il a été repris avant de la franchir, et ramené dans les lieux Saints par le prêtre et un jeune séminariste; l'un le tenant par les épaules et l'autre par les pieds. Ainsi nous avons vécu un intermède au cours des vêpres dont le spectacle nous a fait bien rire.

Dans notre classe nous travaillons dur, la date du certificat approchant, nous savons que le maître nous présentera tous à l'examen, chacun ayant une chance d'être reçu. Chance que je n'aurai sûrement pas eu dans mon ancienne école, le maître sélectionnant les élèves ayant vraiment une chance d'acquérir ce diplôme, l'instit pouvant se glorifier de ne pas avoir eu de recalé.

Le grand jour est enfin arrivé, je me retrouve dans mon ancienne école, l'examen se passant dans le canton. C'est anxieux que je prends place dans la classe, sachant que si je fais trois fautes dont deux de verbe je suis éliminé, ce qui m'obligerai à refaire un an d'école.

L'examen terminé et après une attente dans l'impatience, nous avons les résultats; je suis parmi les élus, malheureusement deux de mes camarades sont non reçus, ils retourneront donc à l'école (ils seront admis l'année suivante).

Je n'ai pas encore douze ans, une autre vie va commencer....

                               A suivre .......