DEBUT DU VINGTIEME SIECLE EN COTENTIN
AGRICOLE
MES PREMIERS PAS DANS LA VIE
Troisième Chapitre
Dans ce village assez éloigné du bourg, mes parents habitaient une petite maison de deux pièces; une servant de cuisine et de salle de séjour, l'autre était la chambre à coucher où dormait toute la famille. (photo 1).
Le sol était en terre battue, où l'on faisait des trous pour jouer aux billes, avec les conséquences que cela pouvait nous valoir de la part de notre mère.
Dans la pièce à vivre, la cheminée, seul feu pour cuire les repas et chauffer la maison. L'hiver nous y mettions des briques à chauffer, que nous glissions dans le lit pour nous réchauffer.
Dans celle-ci, étaient mis à fumer: jambons, saucisses, andouilles préparés lors du sacrifice du cochon élevé pour nourrir la famille. Les autres morceaux de viande allaient dans le "pot à lard", récipient en grès. Ceux-ci étaient conservés dans la saumure. Au gré des besoins, on en retirait un morceau, "le lard salé" souvent cuit avec pommes de terre, carottes et navets. Ce plat apparaissait au moins une fois par semaine sur la table.
La viande de boucherie entrait rarement chez nous.
Cette cheminée, servait aussi à fumer "les gendarmes",harengs déssalés,qui le plus souvent étaient mis à sécher sur la façade des maisons, fixés par la queue. La préparation terminée, ils rejoignaient la cheminée pour une quinzaine de jours. Grillés sur la braise, ils étaient servis nature ou en vinaigrette. J'appréciai ce poisson qu'on appelait plat du pauvre.
Le dimanche, chez beaucoup de familles était servie "la courée" de porc ou de veau, c'est à dire: les poumons, le coeur, la langue de l'animal auquel on ajoutait un morceau de mamelle de vache souvent donné par le boucher. Ce plat était cuisiné en ragoût ou façon pot au feu.
Comme éclairage, une lampe à pétrole avec laquelle nous allions d'une pièce à l'autre (photo 2), le soir pour vaquer aux différents travaux, nous prenions une lanterne "tempête" que nous tenions à la main.
Près de chez nous, des personnes âgées s'éclairaient à la bougie.
C'est de là que j'ai fais mes premiers pas vers l'école, j'avais six ans.
Avant ces premiers temps vers la vie réelle, un ou deux souvenirs que j'ai gardé en mémoire : Par une journée très froide, chez le fermier voisin, mes parents ramassaient des pommes à tâche. Ma mère m'avait installé au pied du pommier bien emmitouflé, quand la fermière m'a apporté un gros "bourdelot" tout chaud, j'avais deux ou trois ans.
Autre souvenir : lors d'une fenaison, dans ce pré une mare alimentée par un ruisseau, presque asséchée, au fond des truites vite attrapées. J'ai eu la charge de les rapporter à la maison dans un panier à salade. Leurs queues passaient au travers du grillage et me chatouillaient les mollets.
A l'école où j'ai appris le B.A BA de la lecture en épelant les mots pour former les phrases.
En calcul, c'est avec des bûchettes que nous apprenions à compter, celles-ci étaient assemblées par dix, les dizaines. Une bûchette beaucoup plus grosse représentait les centaines. Ces bûchettes étaient fabriquées par nous- mêmes
Lorsque j'ai grandi, en nous rendant à l'école, nous allions sur les talus couper des branches bien droites avec des couteaux que nous avions en permanence dans nos poches.
A l'école, tronçonnées en bouts d'environ dix centimètres, elles étaient prêtes pour servir.
Dans la classe, le maître assis derrière son bureau nous surveillait, une longue tige de bambou à portée de main pour rappeler à l'ordre les indisciplinés.
Avec sa blouse grise et sa casquette qu'il ne quittait jamais, je vois toujours son air sévère.
Les élèves étaient en blouses, avec quand même une petite différence: les enfants des familles aisées portaient une blouse fermant devant.(photo 3) Moi-même et de nombreux camarades, nous avions une blouse noire beaucoup moins chère qui fermait derrière.
Mais ne s'arrêtent pas là les inégalités, je vous en parlerai dans un prochain récit.
A suivre....